Cette Sanda te faisait un drôle d’effet, tu avais presque l’impression de voir une enfant sauvage, tant dans son phrasé, son emportement prompt, sa posture. Elle était protectrice avec sa sœur, et tu trouvais cela mignon, malgré que tu ne perdes pas de vue qui elle était et ce qu’elle était.

- Bien sûr, nous espérons tous que les choses vont changer, j’espère que la BACS vous laissera tranquille si vous parvenez à démontrer votre bon-vouloir, et je suis même prête à témoigner en votre faveur si je constate que les promesses sont tenues.

Sa réaction te fait sourire malgré sa vivacité.

- Oui, la famille avant tout. Je comprends très bien.

Enfin, il n’empêche que même si eux aussi avaient des gosses et un coeur, ce n’était pas leurs gosses à eux qui s’étaient fait exterminés par Ombra. Cela avait d’ailleurs été suspect et voilà pourquoi les croque-mitaines avaient été les premiers suspectés. Il fallait dire que tout les accusait, mais finalement, c’était pire.

- Et vous faites bien, commentas-tu quand Sanda déclara qu’elle ne laisserait rien arriver à sa sœur. C’est ce que tout leader attend de son bras droit, et vous semblez être la bonne personne pour ça.

Être un bras droit et être un leader étaient deux choses différentes, même si le bras droit devait suppléer le chef de clan, il n’était pas toujours la meilleure personne pour être chef à son tour. Tu avais une confiance aveugle en ton meilleur ami Bradley pour te protéger, protéger vos sorciers, te conseiller quand tu n’avais plus les idées assez clair ou un regard assez neutre, mais si tu devais abdiquer, tu choisirais une autre personne pour te remplacer, en conseillant de garder Brad comme bras droit. Il avait beau jouer les papas poules avec toi quand tu déconnais un peu avec ta propre personne, et ceux en dehors des heures de travail et à l’abri des regards indiscrets, il n’en restait pas moins que ton adorable montagne de muscles adorée n’avait pas le degré de réflexion demandé pour le poste. Il n’y avait qu’à voir le fait qu’il ait été capable de se retrouver possédé par un esprit démoniaque en ayant eu la stupidité de lire à voix haute une formule latine qu’il ne comprenait pas, première connerie, dans un bouquin de magie noire ramené de sa mission en Louisiane, deuxième connerie, et dont il ne t’avait pas parlé, troisième connerie. Pourtant, au poste de bras droit, il excellait.

Et alors que tu venais de dire que la gérante du Lux était une simple connaissance, puisqu’à l’heure actuelle, tu ne savais pas encore si Amarante était une véritable amie ou simplement une personne que tu appréciais en t’imaginant que la réciproque était peut-être vraie, voici que cette charmante Mme Byron, vêtue avec tout autant de charme, approchait. Quelle étrange coïncidence, tu en vins à te demander si tes yeux et tes oreilles ne te jouaient pas des tours, mais non, elle était bel et bien là. En femme respectueuse du protocole, tu te levas pour la saluer, tout sourire parce que tu l’appréciais et qu’il te faisait plaisir de voir qu’elle allait bien, avant de serrer la main de son invité, admirant le fait qu’elle parle cette langue étrangère qui t’échappait totalement.

- Bonjour Amarante, quelle surprise.

Sanda ne fit pas autant d’effort que toi.

- A bientôt, ma chère, ajoutas-tu avant qu’elle ne quitte les lieux avec son client.

Tu te rassis alors, reprenant ta conversation avec Sanda.

- Ma principale question était de savoir si un accord pour garantir la sécurité de mes sorciers et plus encore de tous, était envisageable. Je constate que vous êtes en mesure de préserver la paix en acceptant de ne pas vous nourrir d’enfants vivants, ce qui me fait réellement plaisir, et j’espère que cette entente perdurera afin d’assurer la paix entre nos peuples. Et vous, avez-vous des questions ?

Tu regrettas aussitôt d’avoir demandé cela.

Malgré la courte déception de n’avoir pas rencontré Ambrosia Kane en personne, la discussion avec son bras droit et sœur s’était avérée fort instructive pour Lyanna qui y voyait un peu plus clair dans les projets des dirigeantes croque-mitaines, si tant était que leur peuple accepte de les suivre. Au moins, les intentions d’Ambrosia, si Sanda disait la vérité, étaient honorables et quelque part, cela rassurait la régente, mais il lui faudrait en avoir le coeur net auprès d’Arthur, et voir dans un avenir proche s’il était possible de négocier l’immunité pour les sorciers blancs et également voir si le beau projet des sœurs Kane pouvait tenir la distance sur le long terme. Honnêtement, la sorcière l’espérait.

Par politesse, la régente avait à son tour demandé si Sanda avait des questions, et ce ne fut pas le cas. Elle esquissa un sourire face à la véritable raison de cette rencontre : éviter un incident diplomatique pour une annulation de dernière minute. En réalité, si un autre rendez-vous avait été programmé, Lily ne s’en serait pas offusquée, du moment que l’incident ne se reproduisait pas à chaque fois. Sanda cependant avoua qu’elle aurait bien demandé si Lyanna avait des idées quant aux coupables de la mort d’Ypolite mais elle sembla douter de son intention de lui répondre du fait qu’elle avait dit fréquenter Amarante qui ne semblait pas avoir les faveurs de la sœur d’Ambrosia. Après avoir délesté son verre de sa dernière gorgée, la sorcière s’acouda un peu plus sur la table.

- Bien sûr que je vais vous répondre. Une réponse simple : Ypolite n’est pas aimé de grand monde. Sa propre femme le déteste. Je n’ai pas d’avis sur qui a pu le tuer, si réellement il a été tué, mais toujours est-il que je n’ai, pour l’heure, vu personne se plaindre de son absence. Pour ma part, je ne souhaite de mal à personne. Tout ce que je veux, c’est que chacun puisse vivre en sécurité.

Il semblait évident que l’entretien touchait à sa fin. Néanmoins, la jolie croque-mitaine eut une question qui n’avait rien voir avec le reste.

- Oui, j’en connais plusieurs. Le dernier à qui j’ai pu avoir recours est Franz Miller. Il est très efficace, je vous le recommande.

Non pas qu’elle ne voulait pas faire travailler Keon et Sean, mais Keon étant son ami et connaissant sa propension à se foutre dans la merde, la régente préféra indiquer à Sanda, en qui elle n’avait pas forcément encore toute confiance, un autre professionnel dont elle était moindre proche amicalement parlant.

- Je suis absolument certaine que, quel que soit l’objet de votre demande, il saura l’honorer, dit-elle avec un sourire rassurant. Je pense que nous en avons fini pour aujourd'hui si vous n’avez pas d’autres questions. Aussi, il me reste à vous souhaiter une bonne journée, et j’attends de vos nouvelles pour un rendez-vous avec votre sœur.

En se levant, elle lui glissa sa carte qui comprenait ses coordonnées et celle de son bras droit.

- Merci encore de vous être montrée disponible, mademoiselle Kane.

Lyanna lui tendit la main pour la serrer avant de sortir son porte-feuille et quelques billets pour régler les deux consommations, avant d’adresser un dernier sourire à son interlocutrice et de quitter les lieux.