Lyanna avait bien des qualités, parmi lesquelles sa détestation du mensonge ; ce qui dans certaines circonstances pouvait s’avérer utile. Karl n’était fort heureusement pas un menteur invétéré, mais il ne pouvait nier avoir leurré ses interlocuteurs à quelques reprises ; comme bon nombre d’enfants avant lui. Malgré tout, les paroles de Lyanna semblaient prendre une bien étrange résonnance ; ce qui l’amenait à se demander si les principes de la jeune femme seraient compatibles aux siens. Pour l’heure, il préférait ne pas se laisser happer par cela ; le moment était trop agréable alors autant en profiter. Karl, pour se faire, accepta de se livrer un peu plus en évoquant la relation qu’il entretenait non sans mal avec son père, remarquable par son indisponibilité quasi constante.

— Effectivement, le chapitre “drague” n’a pas encore été abordé avec le grand Arthur Fitzgerald. J’ai bien peur que ça soit ma mère qui s’y colle. Un trait d’humour vite chassé par l’appréhension ; celle de rencontrer dans un futur proche les parents de Lyanna. — Ouais, je peux me targuer d’avoir une mère sacrément cool.  Il esquissa un sourire avant de se laisser surprendre par ce que l’adolescente venait de faire entendre. — L’homme de ta vie ? Mais pour éviter tout problème et de ce fait se laisser piéger par un sujet potentiellement gênant, la demoiselle parvint à rebondir, convainquant sans mal son intrépide Fitz de la suivre.

— Ma mère a déjà capté que tu avais de l’influence sur moi. Elle n’a de cesse de me répéter qu’elle est contente de me voir aussi bien intégré et entouré. C’est important pour elle, autant que pour moi, tu sais. En revanche, mon père préférerait que j’évite de faire trop de conneries. Quoique je doute que de faire le mûr de temps à autre, soit à considérer comme étant une grosse connerie. Qu’en dis-tu ?

Ils purent encore échanger un peu avant que la sonnerie ne retentisse et que la nourriture leur soit livrée, comblant ainsi le concerto d’estomacs à l’agonie. Chacun prit place et commença à s’alourdir la panse. Cependant, Karl, anxieux de nature, ne put s’empêcher de repenser à la future rencontre avec monsieur et madame Johnston. Lyanna, malgré sa bouche pleine, allait devoir trouver les bons mots. Elle choisit pour se faire, la carte de l’humour.

— Que j’arrête de ch'trescher ? reprit-il pour se moquer gentiment de sa petite amie. — Bon je tâcherais de bien me vendre alors. Juste par sécurité et pour marquer des points avec ta maman, quelles sont ses fleurs préférées ? Il attendit patiemment la réponse avant de s’engloutir un énième sushi sous le regard de Lyanna qui, comme toujours, avait trouvé les mots pour le rassurer. Et c’est ainsi que la soirée s’acheva, permettant aux deux adolescents de terminer leur week-end sous les meilleurs auspices pour mieux reprendre la semaine suivante.

Le temps n’avait plus aucune influence, mais les examens en approche rendaient les échéances plus concrètes ; pour d’autres, c’est bel et bien l’approche des vacances de Noël qui attisaient quelques appréhensions ; et pour cause, un certain Karl allait sous peu faire la connaissance de monsieur et madame Johnston.

Karl était en examen ce vendredi et savait qu’il finirait un peu plus tard et ne pourrait donc croiser sa belle Lyanna. Le destin étant bon joueur, il évita sans le savoir de tomber sur les parents de l’adolescente, venus directement la chercher à l’Academy. C’est donc seul que l’adolescent prit le bus. Sur le chemin, il en profita pour sortir ses notes ; histoire de s’enquérir de sa réussite au devoir qu’il venait de passer. C’était aussi une façon pour lui de se vider la tête sur le chemin du retour. Il était loin de se douter qu’à ce moment-là, Lyanna était sur le chemin du retour avec ses parents avides de quelques précisions sur le fameux chéri.

La nuit fut tout aussi courte pour Fitz, quoiqu’un tantinet moins paisible. Devant son miroir, il s’observait avec attention. Il avait sorti trois tenues et semblait en plein dilemme, si bien qu’il hésita à faire intervenir sa mère pour lui demander conseil. — Tu peux le faire , marmonnait-il tandis que Maze faisait son arrivée, prodiguant quelques salvateurs-conseils. — Oui tu as raison, tant que je suis à l’aise. La première tenue alors.  Il se prépara en quatrième vitesse, il ne fallait pas que l’exaltation retombe. Et puis il devait partir plutôt pour récupérer la commande chez le fleuriste.

Quelques minutes plus tard, le voilà fin près. Il tâchait de faire bonne figure, mais demeurait un tantinet anxieux. Il disposa sans attendre, la boîte de chocolat alcoolisé dans son sac. Ayant pris un bouquet à madame Johnston, il s’était dit qu’il aurait été judicieux de prendre aussi quelque chose au père de Lyanna.
Jamais le trajet ne lui avait semblait aussi long, mais enfin le voilà. Il avala sa salive bruyamment, se laissant rassurer par les paroles encourageantes de Maze qui restait à distance comme toujours. — Tu peux le faire.  Il réagença sa tenue, prit une grande inspiration et sonna. La voix d’une Lyanna exaltée lui remonta jusqu’aux oreilles, le faisant sourire puis enfin la porte s’ouvrit sur la plus belle des demoiselles de tout Los Angeles.

— Salut ! Comme je suis passé chez le fleuriste, j’ai un peu d’avance.  La mère de Lyanna, tout sourire, observait la scène de loin. — Tu es magnifique en tout cas… 

Chaque moment passé avec Karl était un ravissement pour l’adolescente amoureuse qu’était Lyanna. Chaque chose qu’elle apprenait de lui, découvrant aussi sa famille, l’intéressait. Ainsi, sa relation avec son père n’était pas aussi étroite que celle qu’il entretenait avec sa mère, au point que le sujet « drague » n’avait pas encore été évoqué. Une chose qui étonna la jeune sorcière. Pour sa part, elle était très proche de ses deux parents qui lui avait fait suffisamment confiance pour la laisser étudier dans la meilleure école de magie du continent, repartant pour leur part à l’autre bout du pays où se trouvaient leurs racines.

- Bah… en soi, faire le mur ça reste une connerie, mais je crois pas être une personne à encourager cette pratique, puisque d’habitude c’est moi qui le fais… Et je me dis que tant que je reste dans les meilleurs élèves, ça passe… Toi, t’as pas de souci à te faire, t’es brillant Karl.

Elle le pensait, il était une sorte de modèle pour elle, même si elle se savait capable de grandes choses et qu’elle travaillait fort pour ça.
Le retour chez les Fitzgerald s’était bien passé, et le retour en classe le lundi matin également. La semaine passa relativement vite et Lily eut la surprise que ses parents viennent dès le vendredi soir. Ainsi, ils purent préparer avec un peu plus de temps l’arrivée de leur invité. L’adolescente était excitée comme une puce, ce qui amusait ses parents. Et quand enfin le jeune homme sonna, une fusée brune se précipita sur la porte, frôlant à peine le sol depuis le premier étage pour accourir ouvrir. Le sourire qu’elle afficha en voyant son petit ami aurait facilement pu s’étendre d’une oreille à l’autre tant elle était heureuse.

- Oh c’est trop gentil, maman va adorer. T’es trop canon, ajouta-t-elle en lui murmurant ces derniers mots à l’oreille avant de le laisser entrer.

La jeune fille se retourna pour présenter Karl à sa mère.
Madame Johnston s’avança, souriante et douce, pour venir saluer le jeune homme.

« - Bonjour Karl, bienvenue. Gerald, viens, notre jeune invité est là ! » lança-t-elle à l’attention de son mari.

Lyanna referma la porte et tous se retrouvèrent au salon où le père Johnston vint serrer la main du petit ami de sa fille, ne ménageant pas sa poigne.

« - Bonjour jeune homme. Nous avons beaucoup entendu parler de toi. Installe-toi. Qu’est-ce que tu veux boire ? »

La table du salon regorgeait de plateaux avec des petits fours confectionnés par toute la famille. Les familiers des parents approchèrent également du jeune adolescent, y allant de leurs commentaires. L’aigle du père le trouva l’allure droite et d’apparence honnête, tandis que l’hermine de la mère ne se priva pas de grimper sur lui pour venir le renifler et se nicher dans son cou, ce qui fit sourire Lily.

- Elle t’apprécie.

C’était le jour J, celui pour lequel Karl s’était préparé depuis des heures, à savoir la rencontre avec les parents de Lyanna. Et il voulait si bien faire qu’il se mettait peut-être un peu trop de pression, c’était tout lui. Sauf que cette fois, il n’était pas question d’un devoir ou d’une prise de parole en public et c’est là que les enjeux diffèrent. Lyanna était fille unique, de ce fait il était facile d’imaginer que monsieur plus que madame était peu enclin à faire de la place à un autre homme dans la vie de sa princesse. Le jeune sorcier allait donc devoir se montrer digne en plus de devoir faire bonne impression. Cependant et alors que la pression mettait à mal ce pauvre Fitz, les paroles sincères de sa belle, lui revinrent en mémoire, lui rappelant à quel point il était brillant. Certes, son ego s’en retrouvait flatté, mais si Lily le pensait pourquoi il n’en serait pas de même avec ses parents ?

Il remit en place ses vêtements, chassant du revers de la main les quelques plis sur son épaule. Ensuite, prenant une grande inspiration et fermant les yeux l’espace d’un instant, il se laissa emporter par l’audace et sonna à la porte. La voix de Lily résonna de l’autre côté, ce qui le fit sourire instantanément ; il la savait enjouée et comptait sur elle pour lui transmettre cet état d’esprit. Avalant bruyamment sa salive et se redressant à nouveau, Fitz se passa la main dans les cheveux pour remettre en place les quelques mèches rebelles qui sévissaient.

Elle était là, le sourire jusqu’aux oreilles et le regard pétillant, si ce n’est plus qu’à l’accoutumée. Derrière Lily se trouvait sûrement sa mère, qui observait la scène, le sourire aux lèvres. Elle semblait bien accueillir cette arrivée, ce qui mit le jeune sorcier un peu plus à l’aise, du moins pour l’instant.

— Comme je ne savais pas trop quoi prendre, je me suis dit qu’un assortiment ferait l’affaire. Lily s’écarta pour le laisser entrer, ne manquant pas l’occasion de venir lui murmurer quelques paroles à l’abri des oreilles indiscrètes. — J’ai sorti le grand jeu pour l’occasion , renchérit-il en entrant, tandis que Lily refermait la porte derrière lui. La maitresse des lieux fit alors face à l’adolescent ; elle semblait très enjouée elle aussi par cette rencontre.

— Je vous remercie de m’accueillir, madame Johnston. Il était évident qu’elle cherchait à le mettre à l’aise et que malgré le regard furtif qu’elle venait de lancer à sa fille, elle était encline à valider le jeune homme qui lui faisait face. Mais qu’en était-il de monsieur Johnston qui se trouvait dans une autre pièce ; le salon en l’occurrence. Madame Johnston récupéra le bouquet de fleurs avec précaution tout en remerciant son invité pour le geste. « Nous allons passer au salon ! » Karl se contenta alors de suivre la mère et sa fille dans le salon et se retrouva confronté à Gérald Johnston qui s’approcha de Karl et lui serra la main sans ménager sa poigne. Était-ce un premier test ? Fallait-il renchérir en retour ou restait impassible ? Karl opta pour la seconde alternative avant d’incliner la tête. — Je… Et voilà que le premier blanc faisait irruption ; la question n’était pourtant pas si compliquée. Aller ressaisi-toi !

— Eh bien, je serais tenté de répondre “comme vous.” Sauf qu’il est fort probable que vous optiez pour quelque chose de corsé. Et je n’aimerais pas vous faire mauvaise impression en essayant de faire comme vous pour justement vous plaire. Il se maudissait intérieurement d’avoir fis preuve d’un peu trop d’honnêteté. — Veuillez m’excusez, j’ai été trop familier à votre égard. Si vous avez du soda, cela fera l’affaire. Il lança un furtif regard à Lily, avant de se reprendre pour rejoindre la table de salon que venait de leur désigner madame Johnston.

— C’est une magnifique table que vous avez là ! C’est alors que deux ombres furtives s’approchèrent pour enfin paraître aux yeux de l’adolescent qui découvrit, non sans être impressionné, qu’il s’agissait d’un aigle et d’une hermine ; les familiers des parents de Lyanna. D’ailleurs, l’hermine ne se priva point de grimper sur Karl pour venir le renifler d’un peu plus près. D’abord un tantinet mal à l’aise, le sorcier se détendit très vite en voyant le sourire de sa petite amie.

— Je suis ravi d’avoir passé ce test ! Ce fut au tour de madame Johnston de sourire de plus belle, avant de tapoter sur son épaule pour rappeler son familier. — Mon père possède un corbeau , lança-t-il en posant son regard sur l’aigle. — Et ma mère une sourie blanche. Monsieur Johnston sembla pour le coup très intéressé et se souvenant de ce que Lily avait dit à Karl sur l’affection particulière que ses deux parents portaient aux familiers, le jeune sorcier se sentit d’attaque pour renchérir. — Quant à moi, depuis presque un an, j’ai accueilli Maze dans ma vie. C’est un loup gris qui semble sauvage de prime abord. Il aime beaucoup se dissimuler dans l’obscurité et garder une bonne distance pour mieux cerner le danger, j’imagine. Il avait dès lors l’impression de trop parler, ce qui le rendit à nouveau mal à l’aise.

L’arrivée de Karl chez les Johnston semblait s’être bien passée pour le moment. La maman de Lyanna était tout sourire et appréciait la gentillesse de l’adolescent qui lui avait apporté des fleurs. La sorcière s’empressa d’aller les mettre dans un vase avant de le déposer avec douceur sur le buffet tandis que le père proposait au petit-ami de sa fille à boire. Il était souriant mais plus sur la réserve, n’ayant pas oublié la conversation téléphonique qui avait eu lieu quelques semaines auparavant et où il s’était fortement douté que Lily avait ramené son chéri à ma maison le soir. Il le remercia pour les chocolats tandis que son épouse le rejoignait. Puis, la réponse du jeune sorcier le laissa dans l’observation, les yeux braqués dans les siens, avant qu’il n’éclate finalement de rire.

« - Que tu es amusant. Un thé glacé maison, ça te dirait? »

Il y en avait un pichet rempli. Il savait que sa fille aimait cette boisson, et il était loin de se douter que les petites soirées auxquelles elle se rendait était fort alcoolisées. Il servit donc les adolescents puis sa femme et lui. Le compliment sur la table fit sourire la maman.

« - Merci, elle est très ancienne, elle nous vient de mes ancêtres, nous l’avons rapportée de Salem. Elle est en bois de rose béni. »

Les familiers, curieux, s’approchèrent du nouveau venu ce qui amusa Lily. Elle savait qu’ils l’apprécieraient, qui ne pouvait ne pas apprécier Karl? L’hermine fit sa petite ascension du corps de l’adolescent avant de venir se poster sur son épaule et finalement, après l’avoir reniflé, vint voir Lyanna pour retourner ensuite auprès de sa sorcière. Les parents Johnston écoutèrent le jeune Fotzgerald parler des familiers qui accompagnaient ses parents.

« - Personnellement, je ne dirais pas que je « possède » un familier, déclara Gerald pour reprendre le terme de Karl. Ce sont des êtres vivants, pas des objets, et également les amis les plus proches qu’un sorcier puisse avoir. J’aime à dire que nous partageons nos vies avec eux, n’est-ce pas chérie? »

La maman acquiesça, tout sourire.

« - Ton familier a choisi l’apparence d’un loup, comme c’est intéressant! » souligna la maman, fort enthousiaste.

- Oui, Maze est magnifique, et très gentil aussi. Mais également timide, cependant il m’a laissé le toucher une fois.

Lily avait si hâte de découvrir son familier. Elle avait dévoré à peu près tous les livres les concernant qu’elle avait pu trouver.

« - Les familiers nous ressemblent bien plus qu’on ne le croit, ils choisissent une apparence soit pour se conformer à ce que nous sommes à l’intérieur, soit pour mieux nous venir en aide. Il y a toujours un message caché quelque part », souligna le père.

La mère fit passer un plateau d’amuse-bouches faits maison avec l’aide de sa fille. L’apéritif se déroulait plutôt bien.

« - D’ailleurs, si Maze souhaite se joindre à nous, il est le bienvenu, n’hésite pas à le lui dire », ajouta Mme Johnston.

Les parents de Lyanna avaient des tonnes de questions à poser au jeune homme, mais leur fille avait tenté de les dissuader, de peur d’effrayer son petit ami qui appréhendait déjà suffisamment. Néanmoins, étant des sorciers blancs, ils avaient naturellement quelques appréhensions sur la magie rouge.
Ils passèrent à table finalement où une belle entrée les attendait. Lyanna s’assit à côté de Karl, ne manquant pas de lui prendre la main à la moindre occasion.

« - Est-ce que ta famille a toujours vécu à Los Angeles? »

« - As-tu déjà une idée de ce que tu aimerais faire plus tard? »

Les questions commençaient à fuser et Lily regardait ses parents avec une moue qui trahissait son mécontentement.

- Karl est très brillant, il pourra faire tout ce qu'il veut. Il a été major de promo l'année dernière. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est que je battai son record cette année, ajouta-t-elle avec un clin d'oeil vers son petit ami.

Les deux parents hochèrent la tête d'un air impressionné.